vendredi 4 juin 2010

Social 1 : recours devant la CNITAAT concernant le taux d'AT et MP de la profession d'ARP

Le jeudi 4 mars 2010 je me suis rendu à la Cour Nationale de l'Incapacité et de la Tarification de l'Assurance des Accidents du Travail (CNITAAT) sise 5 Port d'Aval à AMIENS 80026.
L'audience était prévue à 09h30.

Amiens est une jolie petite ville, mais on peut se demander pourquoi cette Cour ne se trouve pas à PARIS, qui est quand même plus accessible, elle se situe à quelques encablures de Calais, Rouen et Lille, il n'existe aucun train ni avion direct.

Les parties présentes étaient exclusivement des avocats, qui pour certains étaient venus avec leurs clients, mais j'étais le seul à me présenter sans avocat. D'ailleurs c'est la première fois qu'un recours est exercé dans le secteur des ARP.

La salle d'audience était occupée par un président et 2 assesseurs + 1 greffière secrétaire. Une avocate arrivée tôt le matin s'est installée avec ses dossiers et a représenté la CRAM sur tous les dossiers plaidés.

Lors de mon passage en audience j'ai fait tout d'abord une synthèse de l'affaire, suite au mémoire déposé par la CRAM du SUD EST le 28 janvier 2009 en réponse à mon recours contentieux accompagné d’un mémoire justificatif en date du 28 novembre 2008.

Ce recours est avant tout destiné à contester le rattachement du CABINET BLANC SARL (mais aussi toute la profession) dans la catégorie de code risque 746ZA dont la nature des activités visées correspond aux « Agences privées de recherches, entreprises de surveillance (sans transport de fonds) ».

Au moment du recours, le taux d’Accident du Travail et des Maladies professionnelles était de : 2,50%.

Or ce taux a augmenté le 1er janvier 2009 et est passé à : 2,60%.

Visiblement la Cour pensait que nous effectuions des surveillances dans des locaux, comme les gardiens, et ne connaissait pas du tout notre profession, ni l'avocate présente d'ailleurs. Il a fallu que j'explique que dans l'article 20 du Titre II de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, relatif aux activités des Agences de Recherches Privées, il est spécifié : "Est soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l'objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts".

La nouvelle réglementation définissant l’activité d’Agent de Recherches Privées comme étant une Profession Libérale, dont l’activité est régie par les articles 1984 à 2010 du Code Civil.

Datant de 1845, le sens étymologique du terme "profession libérale" désigne aujourd'hui "la profession qui a pour objet un travail intellectuel effectué sans lien de subordination et dont la rémunération ne revêt aucun caractère commercial ou spéculatif" (cf. petit Larousse).

Une Profession Libérale se définit comme étant une profession dont l’activité et la valeur ajoutée sont intellectuelles.

Notre profession ne peut donc être assimilée aux Agents de Sécurité, activité dont les taux de fréquence et de gravité des Accidents du Travail trouvent leur justification dans l’activité terrain.

De plus, le titre II de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, en son article 21 interdit, sous peine de 3 ans de prison et de 45.000 € d’amende, d’exercer la profession d’Agent de Recherches Privées et celle relative à la Sécurité Privée. Il en est pour preuve la déclaration sur l’honneur que nous fait remplir à ce sujet la Préfecture.

Sur le classement retenu :
La caisse régionale fait observer que :
« le classement d’un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l’activité exercée …… » et « Le code APE est attribué à des fins statistiques par l’INSEE, qui retient essentiellement des critères économiques, et ne lie en aucune manière la Caisse Régionale, qui doit seulement considérer les risques professionnels existant dans l’établissement,…… »

Je ne remets pas en cause l'activité exercée, mais la perception que la CRAM en a, et surtout le classement qui nous rattache et nous assimile aux Agents de Sécurité.
Le code risque 746ZA a bien su dissocier le transport de fond et les entreprises de Sécurité Privée, alors même qu’il y a moins d’écart entre les potentiels risques générés par ces 2 activités, qu’il n’y en a entre la Sécurité Privée et la Recherche Privée.
Il nous semble troublant et d’un hasard extraordinaire qu’à l’origine de la nomenclature des risques, le législateur ne se soit pas inspiré des codes NAF pour catégoriser. Notre métier était alors couvert par le même code NAF que la Sécurité Privée. Facile transition sans analyse des réels risques professionnels que de faire un copier coller. Pour information, notre code NAF a changé au 01.01.2008.
La CRAM a reconnu que notre activité n'avait rien à voir avec celle des sociétés de surveillance et de gardiennage mais a prétexté que le classement d'un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l'activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par arrêté du ministère chargé de la Sécurité Sociale.
J'ai fait remarquer, que selon le même mémoire déposé par la CRAM du Sud-Est il est indiqué : "... la Caisse Régionale qui doit seulement considérer les risques professionnels existant dans l'établissement et qui, conformément aux dispositions de l'Article L 242-5 du Code de la Sécurité Sociale est seule compétente pour procéder au classement de ces risques dans les différentes catégories prévues à cet effet."

Il a été répondu que les définitions de risques sont élaborées par les Comités Techniques Nationaux puis soumises à l'approbation du ministère. Que les risques sont répertoriés par Comité Technique et font l'objet d'un arrêté ministériel qui est ensuite publié au Journal Officiel, et pour finir la CRAM précise que seul le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des recours en annulation contre les décrets et les actes réglementaires des ministres.

J'ai répondu qu'il semblait étrange que certains Agents de Recherches Privées, exerçant tout à fait légalement la profession sous forme libérale en société, et dont la dénomination sociale fait apparaître « Investigation » ou autre terme sans équivoque, se soient vus attribués le code risque 742CB et être soumis à un taux de 1,20. Ce taux a été attribué par la CRAM de Bourgogne Franche Comté à un Confrère.

D’après un inspecteur des CTN (Comités Techniques Nationaux), Monsieur BIELEC que nous avons contacté en janvier 2009 au 01 72 60 11 64, la CRAM de la région concernée peut décider de changer le code risque de l’entreprise, après une étude des risques liés à l’activité. Le document unique est là pour étayer l’étude (document qui ne nous a jamais été demandé).

Comment la CRAM-SE, qui est censée suivre, analyser et établir des statistiques inhérentes aux Accidents du Travail et autres maladies professionnelles, n’aient aucune donnée précise concernant les Agents de Recherches Privées. Les seules en leur possession concernent l’activité d’agent de sécurité….

J'ai donc demandé à dissocier les activités d’Agences de Recherches Privées et les entreprises de surveillance pour l’établissement du code risque attribué pour le calcul du taux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelle et à ce que le code risque retenu pour ce calcul soit basé sur le code APE « 8030Z » et que la nature des activités visées sous ce numéro de risque corresponde à « activités d’enquête » exercée sous forme de profession libérale, ou éventuellement que cette activité soit rattachée à une autre profession plus approchante, comme les conseils ou les experts, ou encore les professionnels effectuant de l’Intelligence Economique ou de la veille technologique, concurrentielle et commerciale.

J'ai proposé un taux de 1,00 %, qui pourrait correspondre à une activité sédentaire, car le plus gros travail effectué par les ARP est avant tout intellectuel, et pour une moindre partie soumise à la conduite d’un véhicule. Nous pourrions être assimilés aux Professions de conseil ou d’expertise, puisque aucune statistique n'existe sur notre profession, et que les salariés sont peu nombreux.

Si la création d’un code risque spécifique à notre profession n’était pas possible techniquement et juridiquement, il serait alors opportun de nous rattacher ou de nous assimiler à l’une des activités suivantes, qui font déjà l’objet d’un code risque :

- Risque 741AA : « cabinets juridiques » au taux des cotisations de 1,10%.
- Risque 741EA : « cabinets d’études économiques » au taux des cotisations de 1,10%.
- Risque 741GB : « services rendus aux entreprises » au taux des cotisations de 1,10%.
- Risque 742CB : « cabinets d’études techniques : agences de brevets, expertises, expertises en œuvre d’art – Expert chargé d’évaluer les dommages (ou les risques) » au taux des cotisations de 1,20%.
- Risque 742CC : « activité de conseil et assistance : ingénierie, architecture, topographie… » au taux des cotisations de 1,20%.
- Risque 742ZA : « cabinets conseils en informations » au taux des cotisations de 1,20%.

Le taux de 2,60% qu’on nous impose est tout simplement exorbitant par rapport aux risques réels encourus et aux activités réellement exercées, sans commune mesure avec celles des entreprises de surveillance et de gardiennage.

Les statistiques de l'INSEE pour 2007 laissent apparaitre 5094 entreprises en code 8010Z (activités de sécurité privée) pour 124.690 personnes occupées et 3,2% de non salariés, alors qu'en code 8030Z (activités d'enquêtes) il n'existait que 738 entreprises pour 1.376 personnes occupées avec 58,3% de non salariés.

En 2006 sur la région PACA, pour le code risque 746ZA et 12.438 salariés, les accidents du travail étaient au nombre de 558 pour 58.464 jours d'arrêts de travail. En 2007, pour 13.959 salariés ils étaient au nombre de 501 pour 59.691 jours d'arrêts de travail (source CRAM du SE : www.e-ventail.fr/cramse-risquespro ). Aucun ne concernait les ARP !!!

Selon l'article D. 242-6-6 du Code de la Sécurité Sociale il est prévu :

"les tarifs des cotisations dits taux collectifs sont applicables aux établissements occupant habituellement moins de 10 salariés. Ils ne sont pas applicables aux établissements appartenant à une même entreprise lorsque l'effectif global de la dite entreprise est au moins égal à 10 salariés.
Ils sont calculés par risque ou groupe de risques définis selon des modalités déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, suivant les règles prévues aux articles D. 242-6-2 à D. 242-6-4, en fonction des résultats statistiques des 3 dernières années."

Article D. 242-6-1 - "Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement. Le classement d'un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l'activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale."

Article D. 642-6-2 - "Le taux net de cotisation est constitué par le taux brut affecté de 3 majorations, dans les conditions prévues par les articles D. 242-6-3 et D. 242-6-4."

Article D. 642-6-3 - "Le taux brut est calculé d'après le rapport de la valeur du risque propre à l'établissement à la masse totale des salaires payés au personnel, pour les 3 dernières années connues. Ne sont pas compris dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents du trajet visés à l'article L. 411-2 et les frais de rééducation professionnelle visées à l'article L. 431-1 ..."

Dès lors la CRAM se base sur l'article L. 242- 5 du Code de la Sécurité Sociale (modifié par la Loi n°2004-1370 du 20 décembre 2004 - art. 49) :
"Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie d'après les règles fixées par décret.
Les risques sont classés dans les différentes catégories par la Caisse Régionale, sauf recours, de la part soit de l'employeur, soit de l'autorité administrative, à la Cour Nationale de l'Incapacité et de la Tarification de l'Assurance des Accidents du Travail, prévue à l'article L. 143-3, laquelle statue en premier et dernier ressort.

Le classement d'un risque dans une catégorie peut être modifié à toute époque. L'employeur est tenu de déclarer à la Caisse Régionale toute circonstance de nature à aggraver les risques.
Dans les conditions fixées par décret, la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles fixe les éléments de calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la branche déterminées par la loi de financement de la sécurité sociale.

La délibération de la commission est transmise au ministre chargé de la sécurité sociale avant le 31 janvier de chaque année.
Si la commission n'a pas délibérée à cette date ou n'a pas retenu des éléments de calcul conformes aux dispositions du 4ème alinéa, l'autorité compétente de l'Etat les détermine par arrêté.

Si les mesures prises en application du présent article ne permettent pas d'assurer la couverture des charges de gestion, l'équilibre de la branche tel que résultant de la loi de financement de la sécurité sociale doit être maintenu ou rétabli par un prélèvement sur les excédents financiers ou, à défaut, par une modification des éléments de calcul des cotisations."

En conclusion j'ai demandé à ce que notre profession soit assimilée à un autre code risque plus proche de la nature exacte de nos activités et non à celui des sociétés de surveillance et de gardiennage. Pour cela la CRAM peut décider de changer le code risque de l’entreprise, après une étude des risques liés à l’activité selon les dires mêmes des CTN, comme cela a déjà été fait par d'autres CRAM.

Ces débats ont duré un peu plus d'une 1/2 heure et la Cour m'a informé que les résultats de la délibération seront communiqués ultérieurement par lettre RAR. Cette décision a été rendue en premier et dernier ressort le 15.03.2010 me déclarant recevable mais mal fondé, ne laissant que l'opportunité d'un pourvoi en Cassation. En cela seul le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des recours en annulation contre les décrets et les actes réglementaires des Ministres, car la nomenclature des risques et les modalités sont fixés par Arrêté du Ministre chargé de la Sécurité Sociale, la Cour n'étant pas compétente pour apprécier le bien fondé de la requête.

le rattachement des professionnels de l'enquête privée à la lOI de 1983 modifiée en 2003 concernant la sécurité privée est une abbération, mais seul le législateur a le pouvoir de dissocier la recherche privée des sociétés de surveillance et de gardiennage, ce qui ne semble pas d'actualité... sic.

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