mercredi 2 juin 2010

Jurisprudences 17 : surveillance d'un salarié licite, jurisprudence du 06.12.2007

Surveillance d’un salarié licite, jurisprudence du 06.12.2007

La chambre sociale de la cour cassation a autorisé un constat d'huissier qui a relevé une infraction aux obligations légales d'un salarié qui travaillait alors qu’il était en arrêt maladie.
Vraisemblablement, le contrôle qui a été fait à l’insu du salarié, est reconnu comme une pratique licite.



Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 6 décembre 2007
N° de pourvoi : 06-43392
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Richard, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 avril 2006), M. X..., engagé le 21 avril 1997 en qualité de moniteur poids lourd, a été licencié pour faute grave le 3 mai 2003 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé son licenciement fondé sur une faute grave alors, selon le moyen :

1°/ qu'une filature organisée par l'employeur pour surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite, dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur ; que constitue également un moyen de preuve illicite, le constat dressé par l'huissier de justice appelé sur les lieux par l'auteur de la filature illicite, afin d'authentifier les constatations auxquelles il s'est livré ; qu'en décidant néanmoins que le constat d'huissier produit aux débats par la société CFT constituait un élément de preuve recevable, bien que ce constat ait été dressé afin d'authentifier les constatations effectuées de manière illicite par l'enquêteur privé, qui avait d'ailleurs appelé l'huissier de justice sur les lieux, ce dont il résultait que le constat d'huissier constituait lui-même un moyen de preuve illicite, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 9 du code civil, 9 du nouveau code de procédure civile et L. 120-2 du code du travail ;

2°/ que les huissiers de justice peuvent procéder, à la requête de particuliers, à des constatations purement matérielles, et exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; qu'il en résulte qu'ils ne peuvent procéder à des auditions, si ce n'est à seule fin d'éclairer leurs constatations ; qu'en considérant que la faute grave reprochée était établie par les déclarations des personnes interrogées par l'huissier de justice, qui avaient affirmé qu'il leur donnait des leçons de conduite, sans constater que les auditions ainsi effectuées par l'huissier de justice avaient pour seule fin d'éclairer ses constatations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;

3°/ qu'il soutenait devant la cour d'appel qu'il se trouvait, lors de l'intervention de l'huissier de justice, dans une voiture auto-école appartenant à son épouse, du seul fait que celle-ci lui avait demandé assistance dans l'urgence quelques instants seulement auparavant, en raison du fait qu'elle avait perçu être suivie par des individus, qui s'étaient ultérieurement révélés être les détectives privés mandatés par la société CFT ; qu'en se bornant à affirmer que sa présence dans le véhicule et les déclarations des personnes se trouvant avec lui suffisaient à établir qu'il exerçait une activité salariée dissimulée à son employeur, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
4°/ que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ; que l'exercice, par le salarié, d'une activité ne concurrençant pas celle de l'employeur ne constitue pas, en lui-même, un manquement à l'obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée limitée du préavis ; qu'en décidant néanmoins que M. X... avait commis une faute grave, en assistant son épouse dans le cadre de son activité professionnelle, alors qu'il se trouvait en arrêt de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a pu retenir comme mode de preuve licite un constat dressé par un huissier qui s'est borné à effectuer dans des conditions régulières à la demande de l'employeur des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d'éclairer ses constatations matérielles ; que, répondant aux conclusions prétendument délaissées et appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve, elle a estimé que les faits reprochés au salarié étaient établis ; qu'ayant relevé que celui-ci, qui avait déjà été sanctionné, s'était livré à une activité professionnelle pour le compte d'une auto-école en violation de son contrat de travail, alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie, elle a pu décider que ce comportement rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 462 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que le jugement qui a omis de statuer sur le chef de demande tiré des circonstances vexatoires du licenciement ayant porté atteinte à la vie privée du salarié est susceptible d'être complété par la juridiction qui a rendu la décision attaquée ; que le moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille sept.

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